Le choix de la fenêtre météo qui devait nous emmener sur Madère semblait pourtant tip top : 10/15 noeuds de vent constant, et une houle modérée. La Méditerranée avec sa houle hâchée et honnie allait enfin se retrouver derrière nous, youpi !

Nous importait alors peu que la houle Atlantique soit plus grande : de réputation et un peu d’expérience, on la connaissait longue, donc supportable.

Et bien ça a été 4 jours in-fer-naux ! 

La seule chose positive, c’est que les vents se sont tenus, et nous ont poussés tout du long à une vitesse moyenne de 8/9 noeuds, ce qui nous a permis de sacrément bomber et de faire ainsi nos 550 miles en 90 heures environ.


En revanche, l’horreur, c’était la houle sur le terrain … En gros elle correspondait à des vents de 30/35 noeuds. Mais sans exagérer hein ! D'ailleurs, absolument TOUS ceux que l'on a revu ensuite sur Porto Santo se sont fait la même réflexion ...

On s’est fait brasser de chez brasser ... Et sans compter les atroces coups de béliers et violentes claques sous les coques que produisaient la puissance de ces vagues détestables … Franchement, on n’a pas compris pourquoi elles étaient si fortes, et ne correspondaient en rien au vent que l’on avait sur le terrain. Au point même de nous interroger sur la compétence de notre anémomètre ! Fonctionnait-il correctement ? Encore une fois, nous n'avons pas été les seuls à nous poser la question ! C'en était à ce point…

Cette navigation a donc été interminable, d’autant plus que c’était pour Lucille et moi la plus longue jusqu'alors : 4 jours / 4 nuits. Honnêtement, on n’a réussi à faire école que les premier et dernier jour. Le reste du temps, j’était totalement inopérationelle, ne trouvant  qu’une relative agonie qu’en position allongée. Jamais navigation ne m’avait parue autant intenable qu’interminable. "Maman n'est pas disponible ...", ais-je scandé si souvent ! Maman était en effet en mode misérable !!

Voilà. Et puis, comme toute bonne règle traditionnelle qui s’applique : l'expérience a encore  une fois été rapidement oubliée ! A défier toute logique ...

Dans la nuit du mercredi, nous apercevions déjà les premières lumières de Porto Santo, la petite ile située au Nord Est de Madère, et la houle s’est montrée plus clémente cette nuit là, ce qui a permis d’adoucir les moeurs, et ce n'était pas de trop !

 

Au départ de Gibraltar, les derniers cargos

Le détroit est derrière nous

 

Et voilà Porto Santo

Alors, cette petite chose noire que l'on aperçoit devant les filets, c'est un bébé cormoran. Baptisé "Plume Noire" par Lucille,  "CormOUran" par l'odieux, il est arrivé à bord on ne sait comment, plus de 24 heures avant l'arrivée.

Il a échappé aux griffes de Poutine, mais malheureusement nous n'avons pas réussi à le remettre sur pattes ...

Après le drame du Rouge Gorge, ce fût donc celui (plus modéré) du Cormoran ...

 

 

 

 

 

 

 

Nous retrouvons avec joie l'équipage de "Frangaux", Michel Mary et Ilony. Ces moments de retrouvaille après une traversée sont vraiment chouettes à vivre ! Chanceux, ils ont vu des baleines à l'arrivée, ce qui n'était pas notre cas, seuls les dauphins nous ont accompagnés.

Porto Santo est une toute petite île d’origine volcanique située au Nord Est de Madère, à 40 miles environ.  Découverte par des navigateurs portuguais, elle aurait été surnommée « port saint » car ceux ci y auraient trouvé refuge après une tempête … Tu m’étonnes, les côtes du Portugal, il faut vraiment avoir envie de se les farcir …

Nous nous sommes immédiatement fait plaisir en y crapahutant, car l’île est vraiment propice aux belles randos. Elle possède également une superbe plage de sable doré, qui s'étend sur presque une dizaine de kilomètres.


Le centre ville, également tout mignon, abrite la maison de Christophe Colomb, car ce dernier a longtemps vécu sur l’île, et s’y est marié d’ailleurs. Le petit musée vaut le détour, car il n’est pas excessif (2 euros), ce qui n’était pas le cas de l’accès prohibitif du prix de la culture à Gibraltar … 

 

 

 

 

 

 

Le mouillage (le calme avant la tempête ...)

 

 

 

Jamais sans ma trott'

 

 

Nous allons rapidement nous rendre rapidement compte que nous allons devoir nous retrouver coincés ici plus longtemps que prévu, car plusieurs bons coups de vent y sont attendus, sans réelle surprise, car nous avons trainé à descendre, et nous sommes quand même en novembre, propice aux dépressions basses ... 

Nous choisissons donc de trouver ponctuellement refuge au port, l’occasion pour nous de continuer les randos dans ces reliefs vraiment propices au crapahutage.

De chouettes bouffées d’oxygène en perspective !

 

 

Comme en de nombreux endroits insolites, on trouve souvent un carnet et un crayon, histoire de laisser une petite trace.

Ici donc, au sommet (presque 300 mètres)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En mode édentée ... première !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Porto Santo, c'est aussi l'endroit où les bateaux de voyage laissent leur trace sur la jetée ! Le plus connu étant le mur des Açores, je savais qu'il en existait un à Madère, mais c'est avec joie que l'on s'est rendus compte qu'ici également !

L'occasion donc pour les filles de laisser leur trace à elles ! 

 

 

 

Et voilà le travail !

 

Et c'est vrai qu'on en a plein les mirettes en balayant du regard ce long mur plein de souvenirs appartenant à tant d'histoires différentes ! Certains dessins sont sublimes et valent le coup d'oeil, comme en voici certains, sélectionnés un peu au hasard : 

 

 

 

 

 

Mon favori

 

Le préféré de Will ;)

 

 

 

 

 

Des bretons en veux tu en voilà ...

 

 

 

Spéciale dédicace à qui voudra bien se reconnaitre !

 

 

Pour celui qui suit, c'est assez fou, car c'est en me promenant le long de la jetée afin de visualiser les dessins dans leur intégralité que je suis tombée par hasard dessus. Il semblerait bien -mais c'est à vérifier- qu'il appartient à l'oncle et la tante de Will (Jean et Yvonnick HUCHET), partis dans ces années là (94) et il est encore en super état ! La peinture devait être sacrément bonne ... Si nous les voyons dans les Antilles, ce sera un petit clin d'oeil pour eux !

Collector !

 

 

La suite du séjour prolongé s’est malheureusement teinté d’une note un peu plus amère …

Un bateau qui était au mouillage, et pourtant solidement accroché à un corps mort a décroché un midi, pendant un gros coup de vent. Leurs propriétaires n'étaient malheureusement pas à bord, car ils s'étaient rendus en ferry à Madère pour la visiter, comme il est coutume de le faire chez certains plaisanciers, les prix du port à Madère étant prohibitifs, et les mouillages presque inexistants.


Michel qui avait l’oeil, voyant le bateau décrocher est immédiatement allé chercher William afin qu’ils y aillent le plus vite possible en annexe. Malheureusement, malgré leur réactivité, la côte était déjà très proche pour ce malheureux voilier, et lorsque Michel est parvenu à monter à bord, il sentait déjà qu’il talonnait quelques instants après.

Malheureusement, les clés n’étaient pas - comme ils l’espéraient - restées sur le contact -compromettant tout démarrage pour l’écarter des rochers.


Malheureusement aussi (mais c'est vraiment dommageable, car cet incident aurait alors pû être évité, ou tout du moins atténué), les gars du port étaient absents, en pause déjeuner ou autre, et sans permanence puisque personne n’a répondu aux appels VHF que l’on tentait désespérément d’émettre.

 
On ne pouvait qu’assister, impuissants, au lamentable spectacle des déferlantes qui retournaient  le bateau sur chaque bord, tandis que sa quille demeurait coincée dans les cailloux, et parvenir à suivre le mouvement des silhouettes de nos deux bonhommes qui tentaient le tout pour le tout afin de sauver ce navire, et tout ceci devant les petites qui pleuraient pour leur papa …

D'un côté on apercevait la silhouette de Michel, balloté sur le pont du voilier dont la quille s'était plantée dans les rochers et que couchait violemment les déferlants. Puis plus loin, celle de William, resté à bord de l'annexe mais se retrouvant non manoeuvrant à cause d'une énorme bâche noire qui s'était prise dans l'hélice du moteur... Incapable de récupérer Michel, non seulement aucune manoeuvre d'approche n'était plus possible, mais il était dans l'incapacité de manoeuvrer, à la merci des déferlantes qui le rapprochaient dangereusement de la digue, et qui ont d'ailleurs fini par le projeter violemment (mais fort heureusement à plat), avec l'annexe et sur les cailloux.

Mais rapidement celle-ci s'est retrouvée coincée contre la coque de l’autre bateau qui s'était couché sur elle... Il a alors fallu faire extrêmement vite, Michel en a  profité pour s'extraire du baateau, et aidé Will à tirer l’annexe pour la remonter, mais ils risquaient là encore de se faire broyer par la lourde coque du voilier, car tout allait vraiment très très vite. 


Enfin, les gars du port ont fini par arriver, et après avoir extrait notre annexe de l'eau, ils ont commencé le remorquage de ce pauvre bateau, qu’ils ont eu bien du mal à extraire des rochers …

Les garçons s'en tirent avec de bonnes éraflures, un dos bloqué pour Michel, une annexe en vrac, mais juste du gel coat. Il est tout bonnement incroyable qu'elle n'ait pas été défoncée lorsque le bateau s'est couché sur elle ... Incroyable aussi que William ait été projeté à plat sur les rochers, car il avait une chance sur deux de ne pas se retrouver dans l'autre sens, et l'issue n'aurait alors certainement pas été la même ...

Malheureusement pour les propriétaires, c'est un voyage qui s'interrompt temporairement. Un gros chantier est en prévision pour eux, et des rêves momentanément entre parenthèses.

...

 

 

De notre côté, notre séjour au port, pour nous protéger du vent n'a pas été de tout repos. Il n'est pas fait pour recevoir de grosses (et lourdes unités) comme c'est le cas actuellement : nous sommes trois en bout de ponton à tirer et fragiliser les catways qui reçoivent en continu de violents coups de bélier ...

Nous avons fait une mission "pneus" et bien nous en a pris, ceux-ci amortissent  les secousses et j'espère que cela sera suffisant ... Les dernières nuits n'ont vraiment pas été de tout repos, car semblables à des nuits mouvementées en mer. C'est quand même malheureux d'être au port et de s'y sentir comme au mouillage, avec la peur en plus de tout arracher...

Nous ne verrons donc malheureusement pas Madère, il nous faut filer directement sur les Canaries si l'on ne veut pas se retrouver coincés plus longtemps encore. En effet, si nous mettions le cap sur Madère, une nouvelle dépression nous y attend, et là bas pas de mouillage et des prix au port prohibitifs, loin de ceux pratiqués par Porto Santo... Si l'on veut réserver nos économies pour la suite du voyage, le plus sage sera donc de filer directement sur la belle Graciosa.

 

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